Un vent nouveau souffle sur la scène Ambiant/Dungeon en France et amène avec lui son lot de surprises parmi lesquelles on retrouve ARSULE : un projet teinté de romantisme que nous présente Marine, créatrice d'ambiance à l'âme passionnée...
Bonjour Marine, tu es une nouvelle venue dans la scène Dungeon Synth mais à l'écoute de ton premier jet, je n'ai pas eu l'impression que tu étais si novice que ça. Parle-nous un peu de ton parcours musical. ? Quels sont les groupes qui t'ont donné envie de te lancer dans ce style si atypique ?
Bonjour Marine, tu es une nouvelle venue dans la scène Dungeon Synth mais à l'écoute de ton premier jet, je n'ai pas eu l'impression que tu étais si novice que ça. Parle-nous un peu de ton parcours musical. ? Quels sont les groupes qui t'ont donné envie de te lancer dans ce style si atypique ?

Mon plus gros coup de coeur revient à Lunar Womb avec « The Sleeping Green ». C'est de la magie à mes oreilles. Beaucoup de groupes m’inspirent, et pas forcément dans le dungeon synth. Je peux notamment citer Dead Can Dance, Coil et Dvar. Un trio hétéroclite à la discographie monstrueuse ! Je ne m’inspire jamais directement d’un artiste, je subis diverses influences plus ou moins conscientes et mon cerveau infuse tout ça avant de le faire ressortir par un médium artistique.

Musicalement, dès qu'on écoute "la Cité Enfouie", il y a quelque chose de "frais", de "neuf", que je ne parvenais pas à définir par rapport aux autres oeuvres lambda du style... et puis je me suis dit, est-ce que ce serait une touche féminine ce petit + ? Comment définirais-tu ta musique à quelqu'un qui n'a jamais écouté Arsule ?

Arsule n’est pas un projet défini. Je n’ai même pas encore déterminé les limites de mon univers. Entre « La Cité Enfouie », « L’amour est morte » et « Le cortège dans la brume », il y a un gouffre. Et mon prochain album sera encore différent. Mais je peux essayer de définir le style de « La Cité Enfouie », puisque c’est ce qui est le plus apprécié en général et aussi le plus accessible. D’abord c’est du dungeon synth, un genre musical né du black metal que j’explique souvent ainsi aux novices : ça ressemble à de la musique de jeu-vidéo old school avec des influences médiévales et des synthétiseurs. « La Cité Enfouie » a toutes les caractéristiques d’un premier album, authentique, naïf et généreux. J’espère d’ailleurs que ma musique va gagner en maturité au fil du temps. Ce que l’on peut remarquer dans cet album ce sont des mélodies fortes et entraînantes, des rythmes presque tribaux et des ambiances riches en images. Chaque piste évoque un lieu ou un acte et possède son identité propre, même s’il demeure une unité un peu miraculeuse que l’on peut attribuer à une sorte d’aura mystique. Pour être honnête je me sens très détachée de tout ce que je crée, mais ça ne me rend pas objective pour autant. Certains jours je trouve ça bon, d’autre fois ça ne me plaît plus.
Parle-nous un peu du thème derrière la cité enfouie. Dans quels décors voudrais-tu emmener tes auditeurs ?
J’ai toujours été fascinée par les grottes. L’idée d’une cité antique enfouie dans les tréfonds d’une caverne relève d’un romantisme certain. La grotte est un lieu terriblement mystérieux et spirituel. Elle est cachée et semble nous rapprocher des profondeurs de la Terre. Ses décors baroques sculptés par la Nature durant des millénaires nous invitent à découvrir un autre monde, hors du temps et hors du réel. Dès la Préhistoire, on y pratiquait l’art. On pense évidemment aux peintures rupestres. Mais nul doute que la réverbération naturelle qu’elle peut offrir, laissait place à une musique primitive, probablement tournée vers le divin. La grotte est également la métaphore de notre être intérieur. Aussi, selon moi il y a une mise en abîme dans cet album. Écouter de la musique a toujours été une activité très personnelle pour moi, je vis la musique. Et le fait de ne pas être capable de partager ce vécu m’attriste. J’ai voulu un album que l’on puisse écouter de façon intime, afin que l’auditeur voyage dans son monde intérieur. Les titres évoquent des lieux mais c’est à chacun de les recréer dans son cinéma mental. L’album est une exploration, une traversée empreinte de rêveries romantiques, mais aussi une métaphore de l’introspection.
Il y a également des références à l’Antiquité grecque, période qui a tendance à exercer une certaine fascination sur moi…
Les deux premiers morceaux préparent au périple. « La source » est la raison de partir, elle évoque plus des sentiments mêlés, partagés entre la lumière et la mélancolie, qu’un lieu à proprement parler. « La procession des Hauts Flambeaux » est le rituel nocturne qui vous amène à découvrir la cité enfouie. « Les portes » sont imposantes, elles sont bien postérieures à la cité, elles avertissent et dissuadent. Je les vois comme les portes d’une immense cathédrale. « L’allée du peuple pétrifié » est une allée de statue qui fait référence à Méduse. On ne sait pas trop ce qui s’y est produit, c’était il y a si longtemps ! Je pourrais déblatérer encore longtemps mais je crois que je vais m’arrêter là, car c’est à chacun d’imaginer la suite. J’aimerais que ça reste propre à chacun.
Arsule est un nom qui me dit vaguement quelque chose... étant bibliothécaire j'ai juste le souvenir qu'il s'agit d'un personnage du roman "Regain" de Giono, est-ce là ton inspiration ? Je me trompe peut-être...
On n'est pas fan de Dungeon Synth sans aimer la fantasy... Que lis-tu en ce moment ? Cite-nous trois livres que tu recommandes chaudement à nos lecteurs.
Alors malheureusement je vais te décevoir… J’aime la Fantasy mais je n’en lis pas. J’avais beaucoup aimé le Silmarillon tout de même, mais c’est peut-être le seul ouvrage du style que j’ai dû lire. Ah si, j’ai lu une partie des Annales du Disque Monde de Terry Pratchett, un délice ! Je lis très peu et pourtant j’aime au plus haut point la littérature. J’aime particulièrement les belles lettres. Ça risque de choquer mais j’ai l’impression que dans la Fantasy, l’aventure prône sur la littérature. Je suis très admirative des styles de Flaubert et de Proust. Flaubert retranscrit des ambiances avec une précision impressionnante, aucun mot n’est laissé au hasard. On s’y croirait ! Et en même temps il y a toujours une double lecture, une portée symbolique. Proust est plus difficile à suivre mais quand on y parvient, quelle expérience extraordinaire ! Il a ce don de plonger au plus profond des émotions humaines. Il a cette sensibilité exacerbée qu’il parvient à exprimer avec des mots, c’est assez incroyable.
Je vais quand même conseiller trois livres : « Regain » de Jean Giono, « L’âge de raison » de Jean-Paul Sartre et « L’étranger » d’Albert Camus.
La scène française de Dungeon commence à devenir une petite famille bien remplie, où on a l'impression que tout le monde s'entraide sans fausse retenue. Katabaz records compte d'ailleurs sortir une compilation des meilleurs groupes en France, y participeras-tu ?
Oui, c’est une communauté bienveillante et j’aimerais participer activement à soutenir les autres projets. Il y a beaucoup de gens talentueux dans le dungeon synth français. Et oui, bien sûr je vais participer à la compilation de Katabaz Records, avec « La source ». Je suis très honorée de pouvoir en faire partie en dépit du fait que je viens tout juste de débarquer. Je trouve que c’est une superbe initiative !
Si ce n'est trop privé, peux-tu nous parler de ta philosophie de vie ? Quels sont les choses auxquelles tu crois et qui te portent dans la vie de tous les jours ?

Avec "le cortège dans la brume", ta dernière réalisation, on a senti un retour aux sources "volontaire" vers un Dungeon Synth des origines que ne renierait pas Mortiis et autre Depressive Silence. Faut-il y voir un one-shot ou une inspiration pour de futures réalisations ?
Oh, c'est très flatteur, merci. Pour l'instant il s'agit d'un one-shot. L'album que je prépare sera dans une veine très médiévale, donc rien à voir. Mais j'ai quand même l'intention de me replonger dans les origines du genre, dans un avenir plus ou moins proche.
Apparemment, certains lecteurs aiment bien quand je fais ce quizz ... (attention, un seul joker !)

2. Elfes ou nains ? Nains, car ils habitent dans des cavernes et que les elfes sont trop propres sur eux ;
3. Bières belges ou françaises ? Belge sans aucun doute, quoi que la France se défend bien. Par contre je suis également amatrice de vin rouge, domaine où la France excelle plus que nul autre, pardon pour nos amis belges ;
4. Les mondes engloutis ou les cités d'or ?
(remarque que les deux ensemble se rapprochent du titre de ton album) ?
Oui, ce n’est pas un fantasme qui m’appartient, je n’ai rien inventé, haha. Je dirais les cités d’or puisque je ne connais pas les mondes engloutis. (Remarque, ce n’est pas de ma génération !) ;
5. Tolkien ou Moorcock ? Tolkien. Je l’admire beaucoup pour avoir créé un univers immense et complexe au point d’avoir inventé des langues. C’est un écrivain total, un génie qui mérite amplement tout le respect qu’on lui voue ;
6. Baudelaire ou Rimbaud ? Joker ! Les deux sont des bêtes de poésie que la Terre a rarement eu l’occasion d’enfanter. Ils sont très différents mais en placer aucun au dessus de l’autre serait un crime. Rimbaud détient un charme inégalable quand Baudelaire détient les clefs de la beauté ;
7. Romantisme ou Fantasy ? Je sais que peu sont d’accord avec moi, mais romantisme, sans hésiter. Globalement les fantasmes romantiques sont aussi mes fantasmes.
Les derniers mots sont pour toi...
Que dire d'autre sinon un grand merci ! Tes questions étaient vraiment pertinentes et c'était un plaisir d'y répondre. Merci également de me laisser l’opportunité de clore cette interview. J'espère que quelques vaillantes âmes auront trouvé le courage de lire jusqu'au bout malgré une longueur conséquente. Après relecture je trouve un peu dommage de voir autant de vanité dans mes réponses, mais tant pis, je vais laisser comme ça. Ça va ça vient.
Je voulais aussi remercier la communauté dungeon synth de France (et du monde). C’est un milieu très accueillant et bienveillant. Étant novice et de sexe féminin (deux potentiels handicaps pour m’intégrer), je n’ai ressenti aucune réserve à mon égard. Les gens s’entraident. J’ai été surprise de voir à quel point la mentalité était bonne ! Un point très appréciable que je ne pourrais malheureusement pas accorder au milieu black metal dans son ensemble. Bon, je me suis assez exprimée. Je finirai par ces simples mots : Longue vie au dungeon synth de France et d’ailleurs !
Lien bandcamp :
https://arsule.bandcamp.com/
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