mercredi 25 avril 2018

NYDVIND "Seas of Oblivion" (2018)

Nydvind est un paradoxe. Alors qu'il aurait pu être oublié, du fait d'une discographie réduite (jusqu'à aujourd'hui) à deux uniques offrandes depuis 2003, l'engouement autour du groupe n'a jamais été entamé, devenant au contraire au fil du temps une référence en matière de black metal épique et païen, réputation que "Eternal Winter Domain" puis "Sworn To The Elders" ont autant forgé que de nombreux et mémorables concerts qui le voient à chaque fois souffler le vent du Grand Nord avec puissance et décontraction. Empoisonnés par des problèmes de labels qui ont mis la clé sous la porte (Sacral Productions) ou sont en passe de le faire (Trollzorn), les Français n'ont donc pas pu mener la carrière qu'ils auraient souhaitée. Gageons que la signature avec Malpemesita, qui héberge aussi depuis peu Azziard, l'autre formation du guitariste Nesh, devrait leur fournir le soutien qui leur a toujours manqué et les débarrasser de ces tracas contractuels. 

Sans compter le (petit) split partagé avec Bornholm, huit ans se sont donc écoulés depuis la sortie du deuxième album, (trop) longue période de diète que Nydvind a pu mettre à profit pour amasser une quantité de matériel suffisante pour élaborer non pas un seul opus mais une véritable saga baptisée "Tetramental" et dont "Seas Of Oblivion" sera le premier volet. Mais cette troisième épopée n'est pas que cela. Si elle s'inscrit dans le sillage de ses prédécesseurs (nous y reviendrons), l'œuvre ouvre avant toute chose une nouvelle ère pour ses créateurs, comme semble le laisser penser la décision de Richard "Hingard" Loudin de quitter un Monolithe dont il occupait pourtant le poste de chanteur depuis quinze ans, comme s'il souhaitait désormais se concentrer sur ce projet qui reste sans doute celui qui lui tient le plus à cœur.

Nouvelle ère donc et nouveau chapitre pour un drakkar qui voit ses voiles gonflées par un souffle plus épique encore, offrant un album aux allures de périple mythologique, long de plus d'une heure. Cette ambition se double d'une exigence accrue qui commande au trio un ensemble conceptuel basé sur une tempétueuse aventure maritime. A son écoute, nous pouvons ainsi, bercés par la houle, sentir la morsure du vent dans la peau, percevoir l'odeur des embruns. Le chant des mouettes, le bruit du ressac et l'effort de ces hommes de la mer lorsqu'ils rament en cadence posent le cadre nautique d'un récit guerrier au goût de fer et de sang, au service duquel des pièces fleuves ont été imaginées. Si le black metal nordique qu'il aime sculpter dans une roche froide et abrupte a toujours été propice à l'érection de tertres grandioses, le groupe va cette fois-ci plus loin encore dans l'expression démesurée d'un art héroïque, même si 'Skywrath' et 'The Dewellers Of The Deep' affichent une durée plus resserrée, qui fait d'ailleurs d'eux les titres les plus agressifs du lot. 

Sur le socle minéral édifié par "Eternal Winter Domain" et "Sworn To The Elders", "Seas Of Oblivion" hisse un pagan metal d'une dimension inédite, à la fois plus ample et évocateur, ce qui ne l'exonère pas d'une dureté abrasive qui enrobe ce menu épique duquel jaillit un blizzard qui emporte tout dans son sillage. Digne héritier des 'The Godless', 'Riding Majestic Crests' et autres 'The Call Of Mother Earth', 'Sailing Towards The Unknown' dévoile un Nydvind plus grandiose que jamais, majestueux et furieux tout ensemble, évoquant autant Kampfar qu'Immortal, en témoigne le break démentiel qui le cisaille, ouvrant la porte à une partie échevelée. 

'Till The Moon Drown', 'Sea Of Thalardh' et 'Through Primeval Waters' allient avec une réussite et un souffle identiques atmosphères enivrantes et emphase féroce. Clôturant ce voyage titanesque, 'Unveilling A New Earth' voit nos Vikings atteindre le Valhalla, pièce s'étalant sur près de treize minutes où l'émotion affronte une rudesse nerveuse et minérale. Le chant tour à tour valeureux ou rageur de Richard et les guitares granitiques et affûtées de Nesh creusent un fjord au bout duquel le périple pourra s'achever enfin, atteignant la terre promise. 

Sans altérer sa fureur glaciale, Nydvind forge avec "Seas Of Oblivion" un album à la fois plus posé et ambitieux où les reliefs rocailleux forment les contours épiques d'un récit majestueux. (Childeric Thor)


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