Une interview de Peter, chanteur et guitariste du groupe est pour les fans une aubaine d'en savoir plus sur ce groupe incontournable… Pourtant, qui aurait pu prévoir à ce groupe une telle reconnaissance tant la démarche minimaliste paraissait osée.
Pour commencer, pourrais-tu expliquer comment est née la collaboration entre les divers musiciens du groupe et l’amitié qui vous unit tous ?
Peter : Comme tu le sais sans doute, nous habitons tous en Lettonie, un petit pays situé près de la Mer Baltique, en Europe du Nord. Nous habitons tous dans une même ville, Riga, la capitale, et sommes un groupe d’amis. Les sentiments au sein du groupe ne sont pas toujours clairs, mais nous discutons et finissons toujours par trouver une décision commune, un compromis qui permet aux choses de continuer. Nous aimons tout simplement ce que nous faisons et voulons toujours donner le meilleur pour nos auditeurs. Maintenant, je dirais que le groupe est né parce que nous partageons tous les mêmes intérêts, que nous nous trouvions tous au même endroit, au même moment, comme cela arrive souvent dans la vie.
Negru, de NEGURA BUNGET, m’a dit dans une interview réalisée pour le Noz Pagan 3 qu’il avait découvert le Heavy Metal après la fin de l’occupation communiste. En a-t-il été de mêmepour toi ?
Non, cela s’est passé avant, dans les années 80. Je me souviens que le premier groupe de Heavy que j’ai entendu était ACCEPT – « Metal Heart », découvert vers 1986, et je l’ai tout de suite beaucoup aimé. J’étais un jeune homme et j’écoutais alors des groupes de pop, mais avec ACCEPT, j’ai réalisé que des musiques plus fortes existaient, des musiques plus passionnées, avec de vraies émotions. C’est vraiment là que tout a commencé. En 1989, je jouais déjà mon premier concert. C’était avec un groupe de punk / hardcore, et ensuite j’ai fondé mon premier vrai groupe, GRANDMASTER DEAD, en 1992. Nous jouions du Doom dans le style des premiers CATHEDRAL. C’est vers 1995 que j’ai réalisé qu’il existait, pour moi, des styles de Metal beaucoup plus intéressants, et nous avons adopté le nouveau nom de SKYFORGER. Ceci dit, à l’époque, notre musique était déjà du Pagan Metal. Dans les anciens groupes, je chantais des textes parlant de quelques chevaliers anglais, mais quand j’ai découvert que nous avions aussi quelques braves guerriers, cela m’a coupé la respiration et j’ai tout de suite voulu former un nouveau groupe.
Pourrais-tu nous parler de la réédition de votre démo « Semigalls Warchant » sur Folter Records ?
Bien, en fait, elle est disponible depuis la mi-avril. L’idée de rééditer notre démo planait dans l’atmosphère depuis longtemps, mais cela a prit du temps pour bien faire les choses. Cette démo, un album autoproduit et tiré à 500 exemplaires, était sortie en 1997 et était évidemment épuisée depuis longtemps. Comme nous avions les droits sur ce CD, nous avons pu le reproduire correctement, vu que plusieurs personnes le demandaient. Et comme nous voulions y ajouter un plus et que nous avions quelques morceaux en réserve, c’était une idée plus qu’envisageable. Bref, sur cette réédition, il y a nos sept anciens morceaux et quatre nouveaux, ainsi qu’un livret de seize pages avec de vieilles photos du groupe. C’était en quelque sorte un anniversaire pour nous, vu que SKYFORGER existait depuis 10 ans ! J’espère que les gens aimeront ce nouvel album. J’ajoute encore que Folter Records compte en sortir une édition limitée pour Juin, tirée à 500 exemplaires.
Peux-tu nous parler des ces ancêtres dont tu es si fier ? Ils étaient appelés « Semigalls », je crois ?
Oui, c’est juste, les Semigalls étaient nos ancêtres et habitaient nos terres il y a plusieurs siècles. Ils avaient leurs propre culture, langage, mythologie, étaient de grands artisans, marins et chasseurs. Mais vers 1200, des hordes chrétiennes sont arrivées pour, en résumé, tuer et piller. Principalement, c’était des bandes de criminels envoyées par l’église catholique pour conquérir de nouvelles terres et de nouvelles chairs, des esclaves. Si tu te réfères à des sources historiques, alors tu sauras que leurs guerres pour la croix et la terre promise n’arrivaient à rien, et qu’alors de nouveaux ennemis devaient être trouvés. Ainsi, ils ont incendié les collines fortifiées, mis à mort tous ceux qui ne voulaient pas s’agenouiller devant eux et leur nouvelle foi. Les Semigalls étaient de gens fiers et ils ont donc combattus durant plus d’un siècle, mais ils ont perdu car les croisés étaient tout simplement trop nombreux. Chaque jour, de nouveaux bateaux en amenaient d’Allemagne, et les Semigalls sont donc partis, gagnant les pays voisins. Mais cet esprit libre a toujours été en nous, jusqu’à ce jour où nous avons rompu avec cette putain d’Union Soviétique, il y a quinze ans. Nous pensions que ces batailles glorieuses ne pouvaient s’oublier aussi facilement.
Qu’est ce que votre environnement vous apporte ? Pourrais tu décrire les paysages de là où vous vivez ? Existe-t-il encore des lieux aux connotations mystiques et qui étaient sacrés pour vos ancêtres ?
La Lettonie est une belle région, un beau pays nordique, avec beaucoup de plaines et de bois où l’on peut croiser toutes sortes d’animaux. Nous avons beaucoup de rivières, le sol est riche, c’est un peu la terre des Dieux, si tu vois ce que je veux dire. Sinon, il n’y a pas beaucoup de hautes collines, mais nous avons encore beaucoup d’anciennes collines fortifiées où se trouvaient les vieux châteaux païens – il en reste encore plus ou moins 700 rien qu’en Lettonie ! J’ajoute que les Lettons et les Lituaniens étaient les dernières tribus païennes et libres d’Europe avant l’arrivée du christianisme, mais beaucoup d’entre eux continuent malgré tout à croire en la Nature.
Si nous venions visiter ton pays, quels conseils pourrais-tu nous donner ?
Si tu venais visiter la Lettonie, et bien sache que tu ne le regretterais pas, parce qu’ici la nature estmerveilleuse, les gens sont bons et sympathiques, et puis on peut y retrouver cette culture païenne que nombres de contrées occidentales ont perdue.
La musique folk a-t-elle été une source d’inspiration importante dans la composition de vos chansons ?
Oui, nous aimons tous beaucoup la musique folk, et tu le sais peut être mais il nous arrive parfois de jouer des concerts exclusivement folkloriques entre nos chansons plus guerrières et mythologiques. Maintenant, c’est seulement un répertoire où nous pouvons trouver l’inspiration, rien de plus. Les chansons folkloriques lettones, les dainas, couvrent un champ tellement immense que tout un chacun peut y trouver ce qu’il souhaite, de nouvelles idées par exemple, pour des années. Nous avons beaucoup de compositions qui se transmettent de musicien à musicien, et facilement plus d’un million de chansons. Les Lettons chantent la nation et cela a toujours été une de nos caractéristiques. Ils allaient à la guerre avec leurs chansons, ils vont au travail et en reviennent en chanson –( noz pagan : un peu comme les sept nains quoi !) Quand quelqu’un meurt, les proches font souvent leurs adieux avec maintes et maintes chansons. Nous avons ici beaucoup de groupes de folk, de festivals,de groupes de danse nationaux, de choeurs et j’en passe ! Donc ce peut être résumé ainsi : les chansons folkloriques sont une partie intégrante de la vie des Lettons, leur style de vie.
Bien, ce sera peut être une question difficile, mais pour toi que représente le paganisme au 20ème siècle ?
Pour commencer, je dirais que je ne suis pas un « païen » au sens strict du terme ! Je ne vis pas dans les bois et ne fais pas de sacrifices aux dieux. En fait, nous sommes juste des personnes normales de la société actuelle, avec maisons et ordinateurs. Je pense que nos ancêtres avaient des vues plus précises, plus éduquées, plus avancées de la Nature que nous au jour d’aujourd’hui, vu que nous nous contentons simplement de l’exploiter au maximum. Le Paganisme est pour nous une voie philosophique, la connaissance et les sentiments de notre mère Nature, de manière à comprendre et vivre selon ses lois. Les anciens dieux étaient seulement des manifestations naturelles personnifiées, qui aidaient nos ancêtres à imaginer, à garder contact avec la Nature. Je crois que nos ancêtres la connaissaient mieux que nous actuellement. Leur style de vie et leurs croyances est selon moi le vrai trésor et beaucoup de personnes, en en prenant connaissance, devraient reconsidérer leur vision purement matérialiste du monde.
Je vous ai également vus sur des photos où vous portiez des tenues traditionnelles. Faitesvous partie d’une confrérie ?
Tu veux probablement parler de ces gars qui combattent avec des épées dans des clubs de reconstitution de vieilles batailles ? On les connaît, mais ce n’est pas pour nous. Nous sommes des musiciens et cela pourrait sérieusement nuire à notre santé ! Pour te dire la vérité, ici, il y a eu nombre de combats de ce type qui se sont soldés de manière mortelle, et tu comprendras que nous ne voulions pas trop nous y engager. Par exemple, notre ancien guitariste, Rihard, en faisait partie, et un jour il a reçu un coup d’épée sur la main qui l’a empêché de jouer de la guitare pendant deux mois ! Après il n’y est évidemment plus retourné ! Sinon, tous les vêtements que nous portons sont fabriqués à la maison par ma petite amie, c’est de l’artisanat, on ne les achète pas dans des boutiques.
Vous allez prochainement jouer en Irlande ! Je suppose que vous êtes très excité de découvrir prochainement ce pays qui possède encore une solide tradition folklorique ?
Aujourd’hui, ce tour est déjà terminé. Nous sommes revenus chez nous depuis quelques semaines. Je peux seulement te dire que c’était un putain de tour, excellent, où nous nous sommes faits plein d’amis. Tous les concerts étaient très attendus et les groupes irlandais étaient vraiment chouettes, on a passé de bons moments ensemble. Mais c’était aussi un tour très dur, peut être le plus dur que nous ayons fait d’ailleurs ! Nous avons été confrontés à beaucoup de problèmes inattendus, comme des bagages perdus ou cassés à l’aéroport, des problèmes de passeport, des instruments folks oubliés par erreur à Belfast et que nous sommes allés rechercher avec un bus régulier, une pédale de basse volée, des problèmes de voix et de santé, j’en passe. Mais notre volonté et l’aide des Irlandais nous ont permis de passer au travers de ces problèmes. On se sentait vraiment comme desfrères, parce que leurs traditions étaient assez proches des nôtres. Si vous voulez en savoir plussur ce tour, je vous inviterai à visiter ce forum irlandais – www.metalireland.com. Et si vous voulez que nous venions jouer dans votre ville, nous avons juste besoin d’une invitation sérieuse et tout pourra arriver. Nous sommes toujours à la rechercher de lives, sinon notre musique perdrait tout son sens
.
Bien, je pense que ça pourrait être instructif si tu nous donnais tes propres commentaires sur les albums du groupe :
KAUJA PIE SAULES (The Battle of Saule)
II Moons, 1998 (rééd.LP Folter Rec. 2004)
notre premier album et sans doute le meilleur pour plusieurs raisons. Je l’aime beaucoup et nous jouons encore souvent les morceaux qui y apparaissent en live. Là j’utilisais encore une voix typéeblack que j’ai abandonnée par la suite, simplement parce que je pensais que nous n’étions pas réellement un groupe de black. Nous voulions aussi avoir un son et une voix reconnaissables, mais le Black Metal possédait déjà beaucoup de cris similaires. Mes compos préférées sont « Battle of Saule », « Kurshi » et « Sacred Firecross ». Cet album est une continuation du thème de la démo, à savoir la guerre contre les croisés au treizième siècle.
LATVIESU STRELNIEKI (Latvian Riflemen)
Mascot Records, 2000
Sur cet album nous parlons de la première guerre mondiale et des braves lettons ayant défendus notre pays de la menace allemande, ce de 1915 à 1918 et avant que, pour la première fois dans l’histoire, nous devenions indépendants. Je pensais qu’il était nécessaire d’immortaliser ces combattants par le biais de la musique, parce qu’ils étaient en quelque sorte légendaires et ont changé le monde. En lisant beaucoup de livres d’histoire, j’ai pris connaissance du tragique de leur destinée et cet album est devenu désespéré et empli de tristesse. Je doute que nous 7 puissions retrouver les sentiments que nous avions à l’époque où nous avons composé ces morceaux. Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait qu’aux alentours de novembre, décembre 2005, nos vieux albums vont être réédités par un label américain – ils seront donc à nouveau disponibles chez vous !
PERKONKALVE (Thunderforge)
Folter Records, 2003
Notre premier album sur un label allemand, et certainement le plus folk, le plus Pagan de notre discographie. Nous avons créé ces mélodies prudemment, nous voulions faire de cette production quelque chose de particulier, de très spécial, car nous savions que nous abordions quelque chose de neuf. Pour la première fois, nous utilisions un synthé pour appuyer certains passages. J’ai aussi commencé à chanter, ne sachant pas alors que ce serait aussi dur ! La thématique de l’album concerne le panthéon des anciens lettons, leurs dieux, leur mythologie.
ZOBENA DZIESMA (Sword Song)
Folter Records, 2004
C’est notre album folk, album que nous avons autoproduit. Les treize chansons parlent d’anciennes guerres lettones et de sujets mythologiques – une d’entre elles a également été chantée par nos petites amies, deux d’entre elles étant des chanteuses professionnelles travaillant dans des chorales. Nous l’avons enregistré dans un studio généralement réservé au Metal et tous les instruments utilisés étaient traditionnels, du type de ceux que nos anciens utilisaient il y a déjà des siècles. C’est album est disponible via notre website et chez quelques petits distributeurs.
SKYFORGER utilise une Svastika dans son logo. En Lettonie, ce symbole est présent depuis 3 à 4 siècles – archéologiquement prouvé – et il représentait alors, pour les Semigalls, la joie, l’énergie, le feu, le vent et la foudre. Au jour d’aujourd’hui, n’avez-vous jamais eu de problèmes avec cette imagerie, avec des personnes qui en ignorent le vrai sens d’un point de vue culturel en Lettonie ?
Premièrement, je n’aime pas le terme « svastika », étant donné que nous l’appelons soit « croix de foudre », soit « croix de feu ». Je peux honnêtement te dire que nous avons eu quelques problèmes uniquement à cause de ce logo. Quand je l’ai dessiné sur papier, c’était une chose que je n’avais absolument pas imaginée. Cependant, il était alors trop tard pour en changer. La majorité des problèmes que nous avons eus venaient d’Allemagne, parce quelques personnes stupides pensaient que nous étions un groupe nazi. Suite à cela, des concerts ont été annulés et notre label a même perdu une usine de pressage CD, tout ça parce que le crétin de directeur a vu le logo sur un CD. Or, ils avaient déjà pressés le CD de Thunderforge à trois reprises, sans problème, jusqu’à ce qu’il tombe sur la pochette ! Ca me fait sourire, parce quand ils pressent des livrets au contenu satanique ou violent, ça passe, mais quand tu arrives avec des symboles païens, c’est inadmissible ! S'ils étaient plus malins et regardaient le contenu du livret, nous n’aurions plus de problèmes, mais ils étaient trop stupides et paresseux pour le faire. Mais nous sommes heureusement là pour changer cette vision des choses et je peux dire que tout se passe assez bien. Beaucoup de personnes savent déjà que nous ne sommes pas un groupe nazi, quelle position nous prenons et tenons. A propos, le plus grand fan club que nous ayons est également en Allemagne. Nous chantons contre les Allemands et eux te font du headbanging d’enfer, c’est toujours amusant à voir ! Sinon, nous n’avons pas eu de problèmes vraiment gros. Les gens comprennent ce que nous sommes et ce que véhicule notre imagerie.
Peter, merci pour le temps que tu as consacré au magazine ! Je te demanderai juste encore tes derniers pour les païens belges, français et québécois …
Merci pour l’intérêt que vous nous portez, bonjour à tous et j’espère que nous nous rencontrerons un
jour en live, si les choses se passent bien. Stay Metal !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire